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  1. Department of Surgery, Division of Urology, University of Missouri Health Care, Columbia, MO, USA
  2. Department of Surgery, Division of Urology, University of Missouri Health Care, Columbia, MO, USA

Introduction

Les plaintes uro-gynécologiques sont fréquemment rencontrées dans la pratique de tout pédiatre. L’investigation de ces plaintes peut révéler une variété de problèmes, allant de bénins à pathologiques et de comportementaux à congénitaux. Souvent, les plaintes génitales et urologiques chez les filles sont indissociables, et certaines préoccupations gynécologiques justifient également une évaluation des voies urinaires. Dans ce chapitre, nous abordons certains des problèmes uro-gynécologiques les plus courants auxquels un clinicien peut être confronté dans sa pratique.

Kystes des glandes de Skene

Les glandes de Skene, ou glandes para-urétrales, constituent l’équivalent féminin de la prostate masculine. Prenant naissance latéralement dans l’urètre distal, elles peuvent s’obstruer, entraînant la formation d’un kyste. Bien que plus fréquentes chez l’adulte, elles peuvent également survenir chez les jeunes filles.1 À l’examen clinique, on peut observer une masse kystique tendue à paroi fine faisant saillie d’un côté ou de l’autre du méat urétral. Cela peut être différencié du prolapsus urétral, qui se manifeste par une protrusion circonférentielle à partir du méat, ou de l’uretérocèle prolabée, qui correspond à une masse kystique bombant depuis la lumière du méat urétral. Le diagnostic peut être posé sur la seule base de l’examen clinique, mais, dans les cas où il faut exclure une obstruction des voies urinaires ou une uretérocèle, une échographie peut être réalisée. La prise en charge est généralement conservatrice, la plupart régressant spontanément.2 Plus rarement, une exérèse chirurgicale peut être nécessaire.1,2

Kystes de la glande de Bartholin

Les glandes de Bartholin chez la femme correspondent aux glandes bulbo-urétrales chez l’homme et se trouvent bilatéralement dans les petites lèvres à 4 et 8 heures.3 Il s’agit d’une glande sécrétrice de mucus, contribuant à la lubrification vaginale. En cas d’obstruction, un kyste peut se former. Là encore, elles sont plus fréquentes chez l’adulte, mais peuvent être observées chez l’enfant. L’incidence augmente avec l’âge jusqu’à la ménopause.4 L’examen mettra en évidence une tuméfaction ou une formation kystique sur la paroi latérale de la vulve, en profondeur sous le muscle bulbo-spongieux. Là encore, la prise en charge privilégiée est conservatrice.2

Figure 1
Figure 1 Kyste de la glande de Bartholin chez une jeune fille avec une masse kystique provenant de la paroi de la lèvre vulvaire gauche

Urétérocèle prolabée

Une urétérocèle est une évagination sacculaire de l’uretère distal à travers la paroi musculaire de la vessie. De nombreuses urétérocèles sont retrouvées dans le contexte d’un système collecteur rénal dupliqué. Une hydronéphrose peut en résulter en raison d’une obstruction ou d’un reflux vésico-urétéral. En effet, environ 50% des urétérocèles présenteront un reflux homolatéral et environ 25% seront associées à un reflux controlatéral. Pour cette raison, la cysto-urétrographie mictionnelle est une étape cruciale du bilan d’une urétérocèle.2 Avec l’avènement du dépistage échographique prénatal, de nombreuses urétérocèles sont découvertes lors du bilan d’une hydronéphrose périnatale. Selon la taille de l’évagination, l’urétérocèle peut faire un prolapsus à travers l’urètre, en particulier chez les filles, ce qui apparaît comme une masse lisse, recouverte de muqueuse, bombant à partir de la lumière de l’urètre.5 La découverte doit entraîner une orientation rapide pour traitement, dont la pierre angulaire est l’incision chirurgicale et/ou l’exérèse.6,7,8 Dans certains cas plus sévères, une reconstruction du col vésical et/ou une réimplantation urétérale peuvent être nécessaires.2

Figure 2
Figure 2 Urétérocèle prolabée avec cathéter en place

Hymen imperforé

Dans le développement néonatal normal, l’hymen, fine membrane épithéliale, devrait se rompre spontanément. Si cela ne se produit pas, il en résulte un hymen imperforé, qui se manifeste le plus souvent chez une fille pubère par une aménorrhée et des douleurs abdominales cycliques.9 Des patientes peuvent également se présenter à la période néonatale en raison de la circulation persistante d’œstrogènes maternels. Cela entraîne la production de glaire cervicale, dont l’accumulation dans le vagin et l’utérus aboutit à un hydrocolpos ou un hydrométrocolpos.2 La présentation peut varier, incluant une masse périnéale, une rétention urinaire,10 des douleurs abdominales aiguës mimant une appendicite,11 ou des douleurs abdominales chroniques.12 Une hydronéphrose a également été observée.13,14 À l’examen physique, le signe classique est un bombement périnéal. L’incision de l’hymen constitue le traitement définitif, mais les cliniciens doivent également être vigilants quant à la possibilité d’une rétention urinaire, due à un effet de masse sur le col vésical entraînant une obstruction, et poser une sonde urinaire dans ce cas.2,9 Les cliniciens doivent également éviter la tentation de simplement aspirer ou de pratiquer une petite incision à visée symptomatique, car une maladie inflammatoire pelvienne a été documentée et la récidive est probable.5,9

Figure 3
Figure 3 Hymen imperforé avec membrane bombante

Adhérences labiales

Les adhérences labiales désignent la fusion des petites lèvres. Elles débutent généralement à la fourchette postérieure et progressent vers l’avant à des degrés variables. On pense qu’elles surviennent en raison de faibles niveaux d’œstrogènes circulants chez les filles prépubères.5 Chez de nombreuses filles, les adhérences sont asymptomatiques, mais elles peuvent aussi se manifester par un inconfort et une irritation vulvovaginaux, une douleur à l’essuyage, ou un écoulement post-mictionnel, qui survient en raison d’une accumulation d’urine derrière les adhérences. Les adhérences asymptomatiques peuvent être prises en charge de manière conservatrice, car 80 % se résolvent spontanément en un an. Les parents doivent être conseillés sur une bonne hygiène périnéale.2,5,15 La pierre angulaire du traitement médical reste la crème d’œstrogènes topique, dont la supériorité par rapport aux émollients topiques a été démontrée.5,16 Plus rarement, une séparation mécanique sous anesthésie locale ou générale peut être nécessaire. Les parents doivent être informés que la récidive est fréquente, jusqu’à 15 %, et être sensibilisés à l’importance d’un écartement régulier des petites lèvres après un traitement réussi afin de prévenir cette récidive..2,5,15 À noter, les parents doivent éviter une séparation agressive des petites lèvres, car l’application d’une pression douce lors de l’application d’émollients topiques suffit à prévenir la récidive et n’est pas traumatisante.

Figure 4
Figure 4 Exemples de synéchies vulvaires

Figure 5
Figure 5. Exemples d’adhérences labiales

Prolapsus urétral

Le prolapsus urétral se présente comme un bourrelet circonférentiel provenant du méat urétral. Il s’agit d’une affection rare, observée plus fréquemment chez les filles noires, pour des raisons inconnues, et chez les femmes post-ménopausées. L’incidence exacte n’est pas bien connue, car de nombreuses patientes ont probablement peu ou pas de symptômes et ne consultent jamais. Une carence en œstrogènes a été proposée comme étiologie possible. Cela peut conduire à une atrophie de l’urètre distal et, avec une augmentation de la pression intra-abdominale, l’urètre distal peut se prolaber. Cela peut également être observé après des injections péri-urétrales. La muqueuse urétrale exposée peut devenir inflammatoire et friable, entraînant des symptômes tels que douleurs, dysurie, écoulement, et saignements ou hématurie. La prise en charge médicale par crème œstrogénique topique et bains de siège est privilégiée. Des corticoïdes topiques ont également été utilisés. L’excision de la portion urétrale prolabée est réservée aux cas plus extrêmes..2,5,17 Dans la majorité des cas, veiller à de bonnes habitudes intestinales afin de minimiser les efforts de poussée importants est essentiel pour un succès à plus long terme sans nouvelles récidives.

Figure 6
Figure 6 Prolapsus urétral circonférentiel chez une jeune fille

Lichen scléreux

Bien que le lichen scléreux touche stéréotypiquement les adultes, en particulier les femmes d’âge moyen, il peut aussi affecter les jeunes filles, avec une incidence maximale entre 4 et 6 ans, représentant 7 à 15 % de tous les cas.18 Les symptômes de présentation comprennent le prurit, l’inconfort vulvaire ou un écoulement, des saignements, une dysurie, ainsi que des troubles de la fonction intestinale et vésicale. L’examen clinique révèle des plaques cutanées blanches et luisantes. La configuration stéréotypée est “figure en 8”, touchant la vulve et la région périanale. Le traitement fait appel à des corticoïdes topiques puissants, avec pour objectif de prévenir l’atrophie et le rétrécissement de l’introït, en plus d’un soulagement symptomatique. Bien qu’il existe une certaine association avec la malignité chez l’adulte, cela n’a pas été observé chez l’enfant. Il y a donc peu d’indication à la biopsie chez l’enfant. Cependant, un suivi régulier au long cours est important.2,18

Agénésie müllérienne

L’agénésie müllérienne correspond à l’échec du développement des canaux de Müller en trompes de Fallope, utérus, col de l’utérus et tiers supérieur du vagin, entraînant une absence variable de ces structures. La présentation la plus fréquente est l’aménorrhée. À l’examen clinique, des degrés variables d’atrésie vaginale peuvent être observés. Le diagnostic différentiel doit inclure des troubles du développement sexuel avec caryotype 46,XY, tels que l’insensibilité complète aux androgènes ou le déficit en 5-alpha-réductase. Ainsi, le bilan doit comporter un caryotype et une échographie pelvienne pour évaluer la présence de l’utérus, des ovaires et du col de l’utérus.5 Elle peut être associée à des anomalies rénales, telles qu’une agénésie rénale, de sorte qu’une échographie rénale doit également être réalisée. Une fois le diagnostic confirmé, la reconstruction chirurgicale peut faire appel à une dilatation vaginale, une vaginoplastie, voire à la création d’un néovagin avec un segment intestinal.2

Vulvovaginite

La vulvovaginite est un terme qui désigne un large éventail de présentations d’inflammation de la vulve et du vagin. La vulvovaginite est l’un des motifs gynécologiques les plus fréquents dans notre population pédiatrique féminine.19 Les étiologies de la vulvovaginite sont nombreuses, et la prise en charge dépend de la cause sous-jacente. De plus, à mesure que les filles grandissent et que leur physiologie évolue, la prévalence de certaines étiologies change. Chez les jeunes filles, un environnement hypoestrogénique entraîne un épithélium vaginal et vulvaire fin avec peu d’espèces de lactobacilles, ce qui se traduit par un pH plus neutre. Avec la puberté, l’augmentation des œstrogènes favorise un environnement plus protecteur, avec un épithélium plus mature et un pH plus acide. L’anatomie féminine est également importante. La proximité du vagin avec l’anus peut entraîner l’introduction de la flore fécale dans le vagin, en particulier chez les jeunes enfants et chez les enfants présentant une dysfonction intestino-vésicale. Ainsi, le clinicien doit prêter attention aux habitudes intestinales et vésicales, en accordant une attention particulière aux signes de constipation. Le clinicien doit garder à l’esprit que la diarrhée peut témoigner d’une encoprésie et envisager un cliché KUB pour évaluer la constipation en présence de tout signe de dysfonction intestino-vésicale. Parmi les autres caractéristiques anatomiques et comportementales contributives chez la fillette figurent l’absence de coussinet adipeux labial ou de pilosité pubienne, de petites lèvres, et la tendance à explorer leur corps avec transfert de bactéries respiratoires vers le périnée.20 Les corps étrangers, les irritants locaux tels que les sous-vêtements serrés, les savons de bain, les détergents à lessive, et les affections cutanées atopiques, telles que d’autres allergies ou l’eczéma, doivent être envisagés à tous les âges. Les abus sexuels et les maladies sexuellement transmissibles sont des étiologies plus fréquentes chez les filles plus âgées, adolescentes, mais doivent également être envisagés à tous les âges. L’évaluation commence par un interrogatoire approfondi, mais le pilier du diagnostic reste un bon examen clinique. Habituellement, tirer les grandes lèvres vers l’avant et vers l’extérieur, plutôt que de simplement les écarter, permet une excellente visualisation des organes génitaux externes, y compris les petites lèvres, l’urètre et l’introitus vaginal. La stratégie de prise en charge dépend des causes potentielles. Si des infections à levures ou bactériennes, ou des infections sexuellement transmissibles sont suspectées, elles doivent être traitées de manière appropriée par des antimicrobiens. Cependant, la majorité des cas sont dus à une étiologie non spécifique et de bonnes méthodes d’hygiène sont recommandées.19 Les agents potentiellement en cause, tels que des sous-vêtements serrés ou des savons irritants, doivent être supprimés. La dysfonction intestino-vésicale doit être prise en charge, généralement par le soulagement de la constipation au moyen d’un traitement oral laxatif ou d’une désimpaction intestinale, selon les besoins.

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Dernière mise à jour: 2025-09-22 07:59